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Un chanteur de toutes les couleurs

Metteur en scène avec Imosima (2)

Au printemps 2013, le Trio Imosima m'a proposé de les accompagner comme "metteur en scène" dans la création de leur nouveau spectacle / concert, où ils invitaient le chanteur guitariste québécois Bernard Simard. 

Lire la première partie ici

 

Les questions

 

Comment présenter Philippe Bruneau sans faire de grande conférence érudite? Comment raconter l'épopée d'Audrey, cette relation fusionnelle à l'homme et à sa musique? Comment trancher dans ces grands thèmes répétés plusieurs fois? Comment alterner de façon harmonieuse les chansons et les instrumentaux? Mon objectif, c'était de faire en sorte de les aider à dire tout ce qu'ils avaient sur le cœur, mais aussi et avant tout, de faire en sorte que le concert ne fasse pas bailler le spectateur. Très vite, on a fait des filages, par parties d'une vingtaine de minutes, puis une trentaine...

 

Point très positif: ils possédaient déjà le répertoire sur le bout des doigts, et on est entré dès le début dans le fignolage: restructurer les divers titres, jouer sur les énergies, et surtout sur les nuances, souvent oubliées dans la musique trad. Si on n'a pas fait 30 filages, on n'en a pas fait un seul...J'ai apprécié surtout que les remarques soient mises illico en pratique et les modifications conservées d'une version à l'autre: tous les musiciens n'ont pas cette rigueur. Et peu à peu, par petites touches, ce concert est devenu un voyage intime, immobile et intérieur, entre le Québec et la Bretagne, un sourire plein de reconnaissance pour une personne disparue, un petit cromlec'h joyeux et plein de fraîcheur à sa mémoire, un passage de témoin.                                                                                                          

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Mise en scène?

 

J'avais émis de doutes dès le début sur les mots "mise en scène". On en attend des espaces, des mouvements, une organisation particulière qui évolue au fil du spectacle. Or nos quatre artistes sont assis tout au long du concert. Tout se passe donc dans la musique, le son, la lumière, et ce qu'ils peuvent raconter entre les chansons et les musiques. Je préfère les mots: "œil extérieur", voire même "conseiller artistique", malgré l'imprécision qu'ils comportent.

 

Le premier jour, hum...j'ai commencé par écouter le répertoire dans son entier, et me suis demandé comment mettre de l'ordre dans ce foisonnement: il y avait les chansons de Bernard Simard, des instrumentaux, beaucoup d'instrumentaux de Philippe Bruneau, beaucoup de valse lentes (une ça va, mais trois, voire quatre...), d'autres valses un peu musette, qui sonnaient pour moi années 50 ou 60, comme celles que je jouais à mes débuts dans les bals autour de Brest, avec Jean Gillet. Et quelques morceaux plus vifs: square dances, reels, jigs...S'efforcer d'être en osmose avec eux, avec leur projet, qui n'est pas le mien (bien faire la distinction!), et avancer à pas de velours, je suis partisan de la souplesse et de la douceur.

 

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Rubik's cube

 

...Ou puzzle, comme on veut. Sauf que la solution n'est pas unique et n'est pas donnée une fois pour toutes. L'agencement des parties, des thèmes musicaux, des chansons, des interventions parlées, plus ou moins longues, est vraiment une affaire de feeling: pas de recette, à part l'expérience acquise sur le tas. Un morceau isolé ne donne aucun indice sur l'ensemble. Et ça peut être gonflant de réentendre encore et encore les pièces musicales et les chansons. Mais ce n'est qu'à ce prix qu'on peut juger de la dynamique d'une courbe sur une heure un quart de concert. Rôle ingrat: essayer à chaque représentation d'être neuf, frais, émerveillé, pour ressentir l'émotion d'une chanson ou d'une musique comme si c'était la première fois. J'y suis arrivé parfois. Avec la petite voix à l'intérieur qui me serine: "Gérard, ils te font confiance...fais au mieux." 

 

Le miracle: le son, la lumière!

 

Quand ils arrivent tout est soudain bien plus beau. C'est un bonheur de partager le travail de création avec des pointures, et on était gâté, avec Gilles Kersulec, sensible et précis au son et Sylvain Hervé à la lumière. Sylvain a posé sur les praticables des tapis rouges vifs... A première vue, j'étais sceptique, mais une fois dans le noir, éclairés par des découpes rouges aussi, voilà que les musiciens se mettent à planer dans l'espace: vision magique, on plane avec eux! Un cadre de grosses ampoules à filaments entoure la scène, et avec des moyens économes, il crée des images de toute beauté. 

 

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Rester sur la rive

 

Une de mes  leçons: un nouveau spectacle, c'est un nouvel instrument que l'on finit de construire à la dernière répé. C'est seulement ensuite, qu'on va apprendre à en jouer vraiment. On a donc fait à peine la moitié du boulot ensemble. 

 

Tu participes à la construction d'un navire, il est beau, fait pour la mer. Tu le regardes qui s'en va au loin, avec son équipage: tu n'es pas de la traversée. Je vous souhaite bon vent, bons voyages, et belles rencontres en mer!

 
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