23 Avril 2015
Ce matin, je vous suggère, sauf votre respect, de vous arrêter une dizaine de minutes. Oui, c'est très long ! mais c'est le temps de lire et relire ce texte, à la fois si simple et si mystérieux, tout le temps que dure cette cantate de Bach, "Schlummert ihr matten Augen", une vraie merveille. Aussi limpide, douce et ample que ce poème, si profondément ancré en Bretagne par ses images. Lisez le, relisez le, et encore, comme on tourne et retourne un coquillage nacré, pour découvrir des reflets cachés au premier regard.
J'ai enfin réussi à intégrer la musique que je souhaitais. Sans cesse, elle semble s'arrêter, et recommence toujours, comme un sommeil qui vient et repart. Au passage, je note qu'il est plus facile de mettre en ligne une vidéo qu'une musique. C'est curieux. Mais j'en ai choisi une version qui a le mérite de ne pas proposer d'images, laissant la place au son.
Suppose
Que je vienne et te verse
Un peu d'eau dans la main
Et que je te demande
De la laisser couler
Goutte à goutte
Dans ma bouche
Suppose
Que la vague et le sable
Jurent de te dissoudre
Et que je te demande
De m'étreindre à ce point
Qu'on ne puisse te prendre
Et me laisser un corps
Suppose
Que je me laisse un jour
Marcher sur l'océan
Et que je te demande
De m'appeler pour voir
Si ton cri peut changer
Mes rapports avec l'eau
Suppose
Que pour moi l'étendue
Soit de l'ordre du cri
Et que je te demande
De ramener son règne
À la plainte habitant
le creux des coquillages
Suppose
Qu'un oiseau dans l'hiver
Chante comme on triomphe
Et que je te demande
D'accompagner la plaine,
De façon qu'elle aborde
Au niveau de ce chant
Suppose
Que le vol d'un oiseau
Nous invite au voyage
Et que je te demande
De nous blottir en lui
Pour avec lui voler
A travers la pénombre
Suppose
Que la mer ait envie
De nous voir de plus près
Et que je te demande
D'aller lui répéter
Que nous ne pouvons pas
L'empêcher d'être seule
Suppose
Que près de nous la mer
Se mette à grommeler
Et que je te demande
De n'avoir d'autre peur
Que celle que nous donne
Son silence étranglé
Suppose
Qu'il n'y ait que le vent
À rencontrer sur terre
Et que je te demande
De souffler à sa place
Et d'agir avec moi
Comme avec un trois-mâts
Eugène Guillevic (1907 - 1997)
Et je ne le dis jamais par haine de la publimendicité, mais...vous pouvez vous abonner à ce blog.