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Un chanteur de toutes les couleurs

Suppose (Guillevic)

 

Ce matin, je vous suggère, sauf votre respect, de vous arrêter une dizaine de minutes. Oui, c'est très long ! mais c'est le temps de lire et relire ce texte, à la fois si simple et si mystérieux, tout le temps que dure cette cantate de Bach, "Schlummert ihr matten Augen", une vraie merveille. Aussi limpide, douce et ample que ce poème, si profondément ancré en Bretagne par ses images. Lisez le, relisez le, et encore, comme on tourne et retourne un coquillage nacré, pour découvrir des reflets cachés au premier regard. 

 

J'ai enfin réussi à intégrer la musique que je souhaitais. Sans cesse, elle semble s'arrêter, et recommence toujours, comme un sommeil qui vient et repart. Au passage, je note qu'il est plus facile de mettre en ligne une vidéo qu'une musique. C'est curieux. Mais j'en ai choisi une version qui a le mérite de ne pas proposer d'images, laissant la place au son. 

 

 

Suppose

Que je vienne et te verse

Un peu d'eau dans la main

Et que je te demande

De la laisser couler

Goutte à goutte

Dans ma bouche

 

Suppose

Que la vague et le sable

Jurent de te dissoudre

Et que je te demande

De m'étreindre à ce point

Qu'on ne puisse te prendre

Et me laisser un corps

 

Suppose

Que je me laisse un jour

Marcher sur l'océan

Et que je te demande

De m'appeler pour voir

Si ton cri peut changer

Mes rapports avec l'eau

 

Suppose

Que pour moi l'étendue

Soit de l'ordre du cri

Et que je te demande

De ramener son règne

À la plainte habitant

le creux des coquillages

 

Suppose

Qu'un oiseau dans l'hiver

Chante comme on triomphe

Et que je te demande

D'accompagner la plaine,

De façon qu'elle aborde

Au niveau de ce chant

 

Suppose

Que le vol d'un oiseau

Nous invite au voyage

Et que je te demande

De nous blottir en lui

Pour avec lui voler

A travers la pénombre

 

Suppose

Que la mer ait envie

De nous voir de plus près

Et que je te demande

D'aller lui répéter

Que nous ne pouvons pas

L'empêcher d'être seule

 

Suppose

Que près de nous la mer

Se mette à grommeler

Et que je te demande

De n'avoir d'autre peur

Que celle que nous donne

Son silence étranglé

 

Suppose

Qu'il n'y ait que le vent

À rencontrer sur terre

Et que je te demande

De souffler à sa place

Et d'agir avec moi

Comme avec un trois-mâts

 

Eugène Guillevic (1907 - 1997)

 

Et je ne le dis jamais par haine de la publimendicité, mais...vous pouvez vous abonner à ce blog. 

 

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J
C'est beau - Merci !
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C
Un peu de douceur dans ce monde qui en a tant besoin. Et Bach toujours et encore...
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M
merci Monsieur Guillevic, pour tout cet amour que vous communiquez si bien,merci à Gérard Delayaye<br /> de nous l'avoir fait rencontrer
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G
Et merci Monique d'envoyer un petit mot
N
Quelle grâce. ..quelle profondeur,quelle belle lumière que ces mots limpides et clairs se mêlant à la musique. ..<br /> Tout ce que j'aime<br /> MERCI à vous<br /> Nad
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N
Quelle grâce. ..quelle profondeur,quelle belle lumière que ces mots limpides et clairs se mêlant à la musique. ..<br /> Tout ce que j'aime<br /> MERCI à vous<br /> Nad
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Y
Superbe texte dont je ne connaissais qu'un extrait. Merci pour ce partage. (Le lien renvoyant à la musique ne fonctionne pas pour moi).
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G
Merci. Je vais voir ce que je peux faire pour la musique.